J'exerce un métier formidable. Année après année, je suis toujours fasciné par la beauté du désir des patients de vivre bien, de se sortir de situations initiales où tout pouvait sembler perdu d'avance.
D'autres, à l'inverse, m'étonnent par leurs formidables capacités de nuisance et de mesquinerie.
Ainsi, dans une seule et même heure de ma journée de consultation, je peux recevoir successivement quelqu'un qui s'est démené toute sa vie pour construire une existence digne en France après avoir fui un pays en guerre, créant une vie professionnelle et amoureuse contre vents et marées tout en apprenant le français, puis accueillir ensuite une personne haineuse et perdue, qui fera tout pour nuire à l'autre, y compris à celui qui lui tend la main – qui l'accueille malgré une situation financière précaire ou un manque criant d'éducation.
Il n'y a qu'à ouvrir n'importe quelle section commentaire d'un réseau social – ou du site internet du Figaro – pour constater que, sous couvert d'anonymat, des centaines de milliers de personnes prennent un malin plaisir à calomnier, insulter, dénigrer l'autre publiquement.
Il en va de même pour les professionnels de santé, puisque Google permet à tout un chacun depuis des années déjà de laisser des avis suite à son passage. C'est ainsi que, parfois, une personne haineuse refait surface, des années après, pour laisser – anonymement bien sûr – son avis à charge à l'adresse des malheureux qui penseraient contacter ledit professionnel.
La recherche d'un psychothérapeute n'est pas forcément un parcours facile, et il est important de se sentir bien et en confiance avec le professionnel choisi. Parfois, cela ne fonctionne pas, et c'est ainsi ; je dois toujours me demander si j'y suis pour quelque chose et si j'ai fait mon maximum. Ensuite, je passe à autre chose, et la plupart des patients font de même, ils trouvent leur solution ailleurs. D'autres affichent leur haine sur internet, à défaut d'avoir pu la régler dans leur psychothérapie.
Car oui, la haine, c'est mon pain quotidien. Sur le divan, ou dans le fauteuil, ça se parle, ça se vit, ça se montre, ça se pleure, ça se crie parfois... puis ça se traverse, et ça s'apaise. Dans un cadre sécurisant, et avec du respect mutuel.
Lorsque le travail de psychothérapie commence, il en va de ma responsabilité de signaler avec tact aux patients les bases du respect et de la politesse lorsque ceux-ci viennent à manquer. Tout le monde n'a pas eu la chance de recevoir une éducation transmise par des adultes bienveillants, et il n'est jamais trop tard pour commencer. Le problème survient lorsque, malgré mon investissement et ma patience, les incivilités persistent : alors, je ne peux que prendre acte du choix de mon interlocuteur de ne pas grandir, évoluer, de ne pas occuper une position digne avec lui-même et avec l'autre.
Comme tout psychothérapeute je dois composer avec mes limites et cette réalité : certains ne veulent pas s'en sortir, et ne s'en sortiront peut-être jamais. Ces doux avis me rappellent en tout cas l'importance pour moi-même de mon métier et l'amour que je lui porte, et pour cela je leur dis merci.